Bonsoir à tous,
Aujourd'hui je m'attaque à un exercice assez difficile,
puisqu'il s'agit de vous présenter un artiste dont je n'avais jamais entendu
parler auparavant, Félix Vallotton.
Il est actuellement exposé au Grand Palais dans une
exposition intitulé Félix Vallotton, Le
Feu sous la Glace.
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Autoportrait à l'âge de 20 ans, 1885 |
Avant de commencer à parler des œuvres, parlons de l'artiste
! Vallotton est un artiste né Suisse, mais naturalisé français, auteur de 1700
tableaux, plus de 200 gravures, 30 écrits sur l'art et même 10 pièces de théâtre
!
Il a pendant un temps été attaché au groupe des Nabis, un mouvement post-impressioniste
d'avant garde dont on entre autres fait partie Maurice Denis et Paul Sérusier.
Vallotton est un artiste considéré comme inclassable, et
reste assez méconnu à notre époque.
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Le Bain turc,1907 |
Voici une œuvre majeure de l'artiste, le Bain Turc.
On peut voir ici des éléments thématiques et stylistiques
qui se retrouveront tout au long de la vie de Vallotton.
Commençons par le style: il est assez froid, très précis
dans les formes, presque chirurgical.
Vallotton est en effet un "partisan" de la pureté
de la ligne, dans son travail, il construit d'abord les contours, avec
énormément de soin, et seulement après se charge de la coloration, qui selon
lui a moins d'importance.
Il est en cela un successeur d'Ingres, l'artiste de la ligne
et de la précision par excellence, pour lequel il a beaucoup d'admiration.
Venons en au thème, celui ci est bien entendu celui des
femmes, on le retrouvera dans de
très nombreuses œuvres de l'artiste, et c'est sous ce thème que s'illustre le
plus le titre de l'exposition, le feu sous
la glace.
Ce n'est pas le tableau qui fait ressortir "le
feu" le plus évidemment, mais déjà, sous un vernis de perfection, par la
ligne et les couleurs froides, l'atmosphère du tableau semble au départ
tranquille, paisible, mais en y
regardant plus précisément on vois déjà poindre une certaine violence.
Par exemple, arrêtons nous sur les visages; il y a 6 femmes
présentes dans le tableaux, et on n'en vois précisément que 3, et aucun de ceux
ci ne porte la moindre trace de joie ou d'affection: dans ce moment d'intimité,
les regards sont au contraire soit inquisiteurs, soit ébahis.
Chez Vallotton, on retrouve très souvent ce sentiment qui
semble de l'aigreur: il peint des personnages esthétiques, beaux, mais dont on
vois les vices cachés.
Plus loin que le thème général des femmes, c'est sur la
confrontation des sexes que Vallotton travaillera, et comme on le vois ici,
même en faisant un tableau uniquement féminin, le conflit est déjà présent.
Le clivage homme-femme dans l'oeuvre de l'artiste ira
croissant et ira dans ses dernières créations jusqu'a la barbarie.
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La Chambre Rouge,1898 |
Difficile de mettre plus en évidence la distance dans un
couple que sur ce tableau !
Dans cette peinture, on aperçois les deux personnages en
dernier, l'œil est d'abord attiré par la couleur de la pièce, en particulier la
table en bas à gauche, sur laquelle repose une canne dont l'équilibre semble
tenir du miracle, en écho au couple présent dans le tableau.
En plus de la canne, l'endroit ou se situent les personnage
tend aussi à donner l'impression que la rupture est proche: ils sont entre la
pièce de vie et un lieu sombre, dans l'embrasure d'une porte.
C'est bien sur par la couleur que cette impression se fait
la plus forte, entre une pièce rouge, rappelant la vie et presque l'intimité du
couple, et la pièce du fond qu'ils occupent ou ne filtre aucune lumière.
La posture de l'homme est elle aussi révélatrice, on sent
bien dans sa manière d'être qu'il essaie de convaincre la femme, il tente
d'être persuasif, mais à la manière même dont le tableau est construit, et
connaissant le point de vue de Vallotton sur la vie conjugale, on devine bien
aisément comment cela se terminera.
Encore une fois, on retrouve très bien cette idée de tension
sous-jacente, avec un titre de tableau d'ailleurs très évocateur: on se
focalise d'abord sur la chambre, mais le sujet principal de la peinture est en
fait le couple et ses tourments, que l'on découvre ensuite.
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Orphée dépecé, 1914 |
Dans ce tableau qui se situe vers la fin de l'activité de
Vallotton, il ne dissimule plus la guerre des sexes, il va même très largement
vers la caricature !
Après une vie passée dans laquelle il se trouvait en conflit
permanent avec sa famille et particulièrement les femmes de son entourage, le
début du féminisme ne fait que jeter de l'huile sur le feu.
Dans ce tableau inspiré d'un évènement mythologique, dont le
thème passe d'ailleurs complètement au second plan, on a la représentation crue
d'un massacre en règle.
Sans m'attarder sur cette œuvre, elle constitue le paroxysme
de la violence entre homme et femme et on voit bien l'évolution de l'artiste,
dont on peut maintenant ressentir pleinement l'aigreur, presque la haine face à
une société mondaine ou les femmes se font le baromètre de l'opinion public et
juges de chaque évènement, notamment artistique.
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Verdun, 1917 |
Et je terminerais cet article avec un tableau complètement
différent, peint par Vallotton, vous l'aurez deviné, à l'occasion de la
bataille de Verdun en 1917.
Au début de la guerre, Vallotton était volontaire pour
s'engager, mais cela lui a été refusé en raison de son âge et il a connu une
période de dépression après cela.
En 1917, grâce à une mission artistique aux armées, il peut
enfin se rendre sur le lieu de la guerre, et il y peint, non pas la guerre elle
même, mais plutôt les lieux ou elle s'est passée.
En effet, Vallotton considère qu'il n'est pas possible de
représenter la guerre comme un autre évènement :"Ca ne se dessine pas
comme une pomme" dira l'artiste.
Cette peinture est précédée d'une ébauche, fait rare dans la
carrière de l'artiste, ce qui rend compte de la difficulté du peintre à peindre
la guerre.
Dans une guerre qui est désormais fondée sur la technique,
sur la sophistication de l'armement et la puissance de feu, représenter
uniquement des hommes n'a plus tant de sens que lors des batailles
Napoléoniennes.
Vallotton matérialise ici le combat par ces droites de
couleurs: ces manifestations se projettent dans tout les sens, rendant compte
des tirs d'artilleries qui frappent de chaque cotés.
Cette manière de représenter le combat rend très bien compte
du chaos des batailles de la première guerre mondiale: dans ce tableau,
impossible de distinguer deux camps qui s'affrontent de part et d'autre, avec
des faisceaux allant dans des sens contraires, la seule indication que nous
pouvons trouver est la couleur ainsi que la noirceur des différents faisceaux,
que l'on pourrait comprendre comme une concentration des feux plus importante.
Dans ce tableau, pas de soldat vivant ou mort, en revanche
la nature porte les séquelles des combats: le feu et la fumée sont présents en
plusieurs endroit, les arbres eux n'indiquent aucune vie, l'hostilité est
partout.
C'est par cette œuvre très novatrice, et d'ailleurs saluée
en son temps que s'achève cet assez long article consacré à l'exposition de
Vallotton au Grand Palais, que je vous encourage très fortement à voir.
Je vous dis à très bientôt sur le blog avec une nouveauté à paraître !
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